Histoire des grandes marques bruxelloises

5 Sep 00

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C’était au temps où Bruxelles inventait(XVII et fin):Jacqmotte Le café passe, la marque reste au travers des siècles Une histoire de familles pas toujours amies

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C’était au temps où Bruxelles inventait (XIV): Delhaize «Donnons un peu de considération aux ménagères»

C’était au temps où Bruxelles inventait (XIV): Delhaize «Donnons un peu de considération aux ménagères»

Article

Par Sylvie Lausberg

Publié le 19/08/1999 à 00:00 Temps de lecture: 6 min

C’était au temps où Bruxelles inventait (XIV): Delhaize «Donnons un peu de considération aux ménagères»

Le passage de ce patronyme en nom commun de notre langage quotidien démontre l’impact indubitable de cette famille aux allures dynastiques.

Née d’une ambition et d’une idée géniale, l’histoire des frères Delhaize reste le reflet, cent cinquante ans plus tard, d’une incroyable audace commerciale. Elle prend racine à Ransart, dans le pays de Charleroi, et dans la tête de Jules Delhaize, professeur de comptabilité à l’athénée de Bruxelles.

Ce fils de famille nombreuse est persuadé qu’en cette moitié du XIX e siècle, l’activité commerciale larvée ne correspond plus aux besoins des ménagères. Pour acheter les denrées quotidiennes, elles doivent franchir la porte d’une demeure quelconque, à la fenêtre de laquelle, dans le meilleur des cas, un paquet de café et un ustensile discret signalent la fonction. A l’intérieur, ni rayonnages, ni étiquettes. Quant aux prix, ils sont aléatoires et la suspicion à la mesure…

En bon économiste, Jules Delhaize ne perçoit pas seulement l’intérêt d’une uniformisation des méthodes d’approvisionnement et de répartition. Il saisit aussi tout l’avantage qu’il pourrait tirer d’une constatation simple et géniale: les ménagères ont changé. Donnons leur ce qu’elles demandent, un tout petit peu de considération!

LES INTELLOS DU TIROIR-CAISSE

Ce que veut Jules Delhaize? Parler franchement à la femme de ce qu’elle achète, bourgeoise comme femme du peuple. Et oser lui parler d’argent.

Pragmatique, ce trentenaire né en 1829 convoque ses neuf frères et soeurs pour expliquer comment il stabilisera des prix au plus bas: Il faut supprimer les intermédiaires, entreposer en gros, répartir en succursales.

Chef de famille depuis la mort prématurée du père, Jules met ses idées en pratique en 1866 dans le magasin de son frère Adolphe, à Châtelet. Ce dernier choisit pourtant de faire bientôt cavalier seul. Jules se tourne alors vers deux autres de ses frères, Auguste, vétérinaire, et Edouard, prof de lettres, qui renoncent tous deux à la sécurité d’une carrière toute tracée pour se lancer dans le commerce.

«La maison de Charleroi» ouvre ses portes en 1867. Les dames en émoi se frôlent sur le pas de porte, éblouies par les vitrines illuminées de ce bel immeuble bourgeois. L’enseigne est explicite: Au Bon Marché. Rapidement, l’époux de Célina, soeur Delhaize, entre dans l’affaire. Il s’appelle Jules Vieujant et quitte, comme ses beaux-frères, une carrière dans l’enseignement pour mettre toute son énergie au service des trois succursales bientôt en activité dans le Pays noir.

PREMIÈRE PIERRE À MOLENBEEK

Le petit dépôt de Charleroi est rapidement dépassé par le succès. En 1871, les frères Delhaize ouvrent un nouvel entrepôt à Bruxelles, rue Rempart des Moines. Pour faire tourner la boutique, il faut un personnel rodé aux nouvelles méthodes. Pas de problème, les anciens professeurs s’y connaissent en formation. Employés, gérants, manutentionnaires, tous sont impliqués dans ce qui devient bientôt un nouveau secteur de travail, celui de la grande distribution.

Cette méthode, une première en Europe, s’appuie entre autres sur le concours de négociants. Ceux-ci s’engagent à se fournir exclusivement en gros aux entrepôts Delhaize et à vendre leurs marchandises à prix fixe, identique dans toutes les succursales à l’enseigne du fameux lion.

Nous sommes dans les années 1880. Le climat social virera bientôt au rouge alors que les frères Delhaize, eux, prennent les devants. Ils achètent un terrain au lieu dit Osseghem, dans un quartier industriel, idéalement desservi par la gare de l’Ouest et qui compte encore des hectares de terrains libres. La fratrie y construit entrepôts et usines. Car la décision est prise, il faut passer à la vitesse supérieure et produire en interne, dans la mesure du possible.

Savonnerie, vinaigrerie, torréfaction de café, fabrique de brosses et autres chocolaterie voient le jour sous la patte du rugissant animal et engagent un personnel ravi. La fourmilière prend forme, selon des règles aussi rigides qu’avant-gardistes. Car les patrons, pour exigeants qu’ils soient, ont non seulement le génie du commerce mais aussi une conception élevée du genre humain.

ENTRE ÉCONOMIE ET UTOPIE

Si, au cours de cette série, nous avons rencontré plus d’un patron conjuguant paternalisme et respect de l’ouvrier, le cas des frères Delhaize va encore plus loin. Devançant de plusieurs années la loi belge, la caisse de secours pour les accidents de travail est une réalité dans tous les sites de production et de vente alors qu’au tournant du siècle une mutualité avant la lettre prend en charge tous les membres du personnel et leur famille, sous la devise «l’union fait force». Le mieux reste à venir: instruction primaire, bibliothèque, corps de pompiers, cours d’escrime et fanfare… les membres du personnel «vivent et mangent» Delhaize.

A côté de la participation aux bénéfices, l’exemple le plus révélateur de cet état d’esprit est peut-être ce simple jeton, appelé «phalanstère» (en référence à la philosophie utopiste de Charles Fourier), donné aux collaborateurs afin qu’ils se procurent, chez leur employeur bien sûr mais à prix réduit, les produits de grande consommation.

LE PREMIER SUPERMARCHÉ

Avant la Grande Guerre, la première génération Delhaize a disparu: Edouard en 1888 et Jules, le fondateur, dix ans plus tard. Le beau-frère Vieujant, lui, trépasse en 1911. Louis, son fils, prend les commandes avec son cousin Jules, fils d’Edouard, à l’orée du conflit. Dès ce moment, trois branches de la famille vont se partager les successions. Ce qui ne se fera pas toujours sans heurts.

Mais en 1914, d’autres dangers menacent. Les chevaux, réquisitionnés, sont remplacés par des boeufs qui tirent les camions en plein Bruxelles alors que les denrées sont rares et les fabriques à l’arrêt.

L’entre-deux-guerres et le vent de démocratisation qui souffle sur l’Europe profitent ensuite pleinement à l’entreprise, qui emploie directement près de 4.000 personnes. A la veille de la seconde guerre mondiale, le chiffre d’affaires est de l’ordre de 225 millions. Si les 23 fabriques sont à nouveau en léthargie, les patrons ont compris la leçon de 1914. Ils font, dès septembre 1940, échec à la hausse inévitable des prix et répartissent à la population la totalité de leur stock.

Après cinq ans de paralysie, l’activité reprend, sauf dans les usines, qui ferment l’une après l’autre. La reconversion est en marche, la communication aussi. Delhaize lance un journal à l’intention des ménagères. Magazine féminin axé sur la consommation, son objectif est d’expliquer l’état du marché et de présenter les nouveaux produits. Ce folder met quand même les points sur les «i» dans son premier numéro. «Le porte-parole des ménagères», outre le tableau de rationnement pour mai 1947, explique la conduite de la firme pendant la guerre et les efforts fournis pour servir, pendant les années d’occupation, près de cent mille consommateurs inscrits.

Avec les années cinquante, la consommation change de look; les magasins Delhaize aussi. Le premier supermarché libre-service de Belgique ouvre ses portes en 1957 place Flagey, à Ixelles, quelques jours avant Noël. Vingt ans plus tard, ils seront plus de 80 dans tout le pays. Depuis, Delhaize a mis le pied sur le continent américain où le groupe est beaucoup plus actif qu’en Belgique. Sa filiale Food Lion y compte aujourd’hui plus de 1.000 supermarchés.

Empire aux branches multiples, comme Match, Di, Dial Budget, Tom Co et Caddy Home, la multinationale investit aussi au cour de l’Europe, notamment à Prague depuis cinq printemps, sous l’enseigne Delvita.

SYLVIE LAUSBERG

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« Le Soir » du 17/08/1999

C’était au temps au Bruxelles inventait (XI): la raffinerie Graeffe Des plants de betterave et de canne à sucre au Plan K… Un procédé belge révolutionnaire

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C’était au temps où Bruxelles inventait (X): Union Match L’Union fait la flamme en lettres capitales De l’allumette au placard

« Le Soir » du 14/08/1999

C’était au temps où Bruxelles inventait (IX): la bonneterie Dutoict Tant d’élégantes acquises au bon goût bruxellois

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« Le Soir » du 09/08/1999

C’était au temps ou bruxelles inventait (V) : l’Etoile Le roi du cirage cirait les pompes de l’armée «Georges», le bon ami du postier voleur

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