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ENREGISTREMENT VIDEO DE LA CONFERENCE /
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Le droit à la mémoire
Il s’est passé, au cours de ce dernier dimanche d’un été finissant, dans la salle gothique d’un hôtel de ville, au cœur de l’Europe, une scène à la fois insolite et chargée d’une formidable évidence. Quelque chose de presque inespéré et d’indispensable. On y a vu un homme présenter ses excuses pour un crime au nom de l’institution qui l’a accompli il y a bien longtemps, déjà, et dont il incarne aujourd’hui les fonctions. Les mots « excuses officielles » ont même pu paraître dérisoires au vu de l’énormité du crime en question. Et, pourtant, ils retrouvaient tout leur sens et une force inattendue. On y a entendu un autre homme lui répondre au nom du peuple qu’il représente et lui dire combien ces paroles l’avaient ému. On y a visionné un court-métrage documentaire relatant, avec des mots précis et des images d’une redoutable nudité, les circonstances d’un assassinat à grande échelle : l’envoi des membres d’une collectivité humaine vers les camps de la mort. Et les sordides complicités dont il put bénéficier de la part de mandataires nationaux. Cela s’est donc passé chez nous, « près de chez vous » (dans le temps comme dans l’espace). On a pu écouter de la musique, aussi, et des chants portant un deuil immense mais gorgés de ferveur. « Ne dis jamais que tu t’en vas pour ton dernier voyage » comme disaient les partisans. Et en voici bien la preuve : cette cérémonie elle-même qui représente un voyage vers la vérité. Reconquise et hautement revendiquée. Puisque chacun à sa façon en a reproclamé les droits (il n’existerait pas de « devoir de mémoire » s’il n’y avait un droit à la mémoire). Qu’ont-ils rappelé d’autre, en effet : le bourgmestre Freddy Thielemans, Maurice Sosnowski, qui préside à la coordination des organisations juives, Sylvie Lausberg (pour le Comité d’action laïque), avec son film si pédagogique, dans le meilleur sens du terme, les infatigables musiciens de l’orchestre Krupnik, dirigé par le lumineux André Reinitz. Sans oublier, bien sûr, Eric Picard, lequel, représentant l’Association pour la mémoire de la Shoah avait, en amont de tout cela, suggéré que, ce jour-là, enfin, furent dits des « mots justes, simples et courageux » pour souligner cette reconnaissance. Ainsi cela s’est-il déroulé – et n’est-ce pas le plus remarquable ? – à des encablures de la pompe et de la solennité, loin de tout pathos qui eût, jusqu’à un certain point, constitué un manque de respect à l’égard des victimes. Observons, à cet égard, que le mot « reconnaissance » recouvre, en français, deux acceptions : d’une part, elle signifie la vérification de ce que des esprits faibles ou pervers seraient tentés de dénier (ces négationnistes d’aujourd’hui qu’il nous faut démasquer et pourchasser) et, d’autre part – la coïncidence est étrange : la gratitude que l’on doit éprouver lorsqu’on a bénéficié d’un bienfait N’ayons pas peur de certifier que les centaines d’assistants qui s’étaient déplacés, le 2 septembre, à l’hôtel de ville de Bruxelles, ont dû s’en retourner gagnés par ce sentiment qu’ils n’espéraient peut-être pas éprouver ce jour-là : la gratitude que la justice ait été dite, même si ce qui s’est passé à l’automne 1942 a atteint le sommet de l’irréparable. Il est bien avéré que la constitution d’un Registre des Juifs dûment recensés sous l’administration Van de Meulebroeck et sa docile remise à la police de l’occupant eut pour effet – et ne pouvait avoir pour conséquence que de les abandonner aux rafles et de les envoyer aux lieux d’extermination. On peut même parler parfois d’excès de zèle, même s’ils ne se multiplièrent pas comme à Anvers. On relèvera d’autant plus volontiers que le maïeur Coelst, qui lui succéda, s’opposa à la collaboration éhontée de ses services aux arrestations et à la funeste distribution des étoiles jaunes. Le processus de repérage et de la traque se trouvait hélas trop avancé, déjà, pour empêcher et même freiner le déploiement de la déportation. Plus de sept cents Juifs ne devaient jamais en revenir. Septante ans après, on peut faire et refaire l’addition, et dénombrer – mince consolation – le petit nombre de ceux qui ne participèrent pas au carnage, et sauvèrent des vies. « Il est parfois malaisé », a observé Thielemans, « d’évaluer les circonstances d’une autre époque et d’avoir à juger les agissements de ses prédécesseurs « Voire. Car il n’est pas difficile sinon impossible de ne point juger l’Histoire lorsqu’elle charrie tant de preuves irréfutables accablantes. Surtout lorsqu’après la guerre, une longue impunité bénéficia à ceux dont la lâcheté, la veulerie ou le sadisme n’avaient, eux, pas désarmé La repentance n’est pas un sport que pratiquent volontiers certains dirigeants et responsables politiques. L’ex-président Sarkozy ne cherchait même pas à cacher combien il y était peu enclin Aussi, faut-il se réjouir que François Hollande, renouant avec le très beau discours que Chirac fit, en son temps, pour faire endosser par la République même le crime perpétré par la France au Vélodrome d’Hiver. L’amnistie qu’on s’accorde complaisamment à soi-même ressortit déjà à une barbarie de plus. Le pardon est un continent mystérieux. Il appartient à chacun de l’accorder à titre individuel. Mais il est impensable de l’offrir au nom des mots. « Plus jamais ça ! » : combien de fois n’a-t-on pas entendu proférer, depuis la libération des camps, ce slogan impératif et parfaitement ingénu ? Depuis lors, dans les Balkans, au Biafra, au Rwanda, au Cambodge, au Sud-Soudan et même en Amazonie, que d’ethnocides perpétrés sur lesquels on ergote avec un cynisme de sémiologues ! Soupesant les horreurs sur des balances d’araignées ! Ou continuant, çà et là, à gauche comme à droite, de nier ou relativiser le génocide des Arméniens ! Avec, à la clé, des hiérarchies absurdes et la concurrence des mémoires Aussi, dimanche dernier, à la Grand-Place, est-ce à un bel exercice de mémoire qu’on nous invitait à nous livrer, comme à la synagogue Beth Hillel, au printemps dernier, lorsque furent énumérés, durant toute une nuit – et retransmis sur les ondes de Radio Judaica – les noms des déportés et résistants juifs de Belgique, lors de la commémoration de Yom HaShoah. Cela s’appelle la transmission. Qui témoignera pour le témoin ? Telle est désormais la bonne question. Bien sûr : les orateurs de la journée ne se privèrent pas de citer les formules qui, en de telles circonstances, bien qu’un peu usées, sont devenues sacramentelles. Heine prédisant qu’à l’autodafé des livres succéderait le bûcher des hommes; Brecht évoquant la bête immonde au ventre toujours fécond ou Camus signalant qu’on redouble le crime par son déni. On me pardonnera, je l’espère, d’en ajouter deux autres que je vois voler à plus haute altitude :« Le mal que font les hommes vit après eux » (Shakespeare) et surtout cette formule du plus juif des écrivains juifs : « Ne pas désespérer même de ce qu’on ne désespère pas : voilà exactement ce qui s’appelle ‘vivre’ . »(Kafka). Ecrite plus d’un demi-siècle avant Auschwitz ! A l’instant où ceux qui se trouvaient là, ce dimanche où le souvenir avait retrouvé ses droits, une dame s’est approchée de moi pour m’offrir une photo prise en l’an 2000 et donnant à voir la petite fille et l’arrière-petite-fille du capitaine Dreyfus superposées côte à côte dans une réception. Graves, belles, altières et mélancoliques. Merci pour cet inestimable cadeau. Derrière nous, quelqu’un déclarait : « La page honteuse est enfin tournée « Dans un sens, elle ne l’est justement pas. C’est tout le contraire. Ou alors : elle se tourne. Mais une autre se déploie. D’autant que le bourgmestre de Bruxelles nous a annoncé la rédaction d’un livre, destiné aux écoles, racontant tout cela. Puisse notre Premier ministre, Elio di Rupo, dans quelques jours, au musée de la Déportation, à Malines, exiger que le rapport du Ceges inspire enfin l’instruction d’un procès historique contre un passé dont l’oubli et le déni entretiennent, aujourd’hui encore, l’objection. Le sous-titre est de la rédaction.
Pierre MERTENS
Ecrivain belge
Invitation sur La Première le 6/09/2012
http://www.rtbf.be/radio/player/lapremiere?id=1756626&e
Mémoire : Shoah/ rafles de 1942 à Bruxelles
La Ville de Bruxelles a présenté officiellement ses excuses au peuple juif – une séquence du JT de 19h30 | RTBF (02/09)
Déportation des juifs: Bruxelles présente ses excuses – séquence du JT de 19h, avec une interview de Sylvie Lausberg | RTL TVI (02/09) –http://www.rtl.be/videos/video/412958.aspx?CategoryID=495
Déportation des Juifs: la Ville de Bruxelles fait son mea culpa – RTBF Info (31/08) –http://www.rtbf.be/info/regions/detail_deportation-des-juifs-la-ville-de-bruxelles-fait-son-mea-culpa?id=7830351
La ville de Bruxelles reconnaît son rôle dans la déportation des Juifs – par la rédaction en ligne du Soir (02/09) –http://www.lesoir.be/regions/bruxelles/2012-09-02/la-ville-de-bruxelles-reconnait-son-role-dans-la-deportation-des-juifs-935466.php
Juifs : les excuses de la Belgique attendues – par Marc Metdepenningen | Le Soir (01/09) –PDF
Rafle des Juifs : les excuses de Bruxelles – idem (03/09)
Le mea-culpa de la Ville –La Dernière Heure (03/09) –http://www.dhnet.be/regions/bruxelles/article/406724/le-mea-culpa-de-la-ville.html
Il y a 70 ans, les rafles à Bruxelles entre ténèbres et lumières – par Christian Laporte | La Libre Belgique (03/09) – http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/758248/il-y-a-70-ans-les-rafles-a-bruxelles-entre-tenebres-et-lumieres.html
- 23 mars Débat contradictoire sur l’avortement – Basilique de Koekelberg Vidéo http://youtu.be/eeYJ5QtS3yE Photos
- 20 mars Projection du film » Le corps du délit » et débat au Centre culturel de Braine-l’Alleud DOC009
- 17 mars Rencontre-débat sur l’avortement à la Maison Communale de saint-Gilles
Sylvie Lausberg, Marc Abramovicz, le président du CPAS, l’échevine Anne Vanesse, Françoise Dupuis, présidente du parlement bruxellois, Fanny Filosof et Thérese Liebmann
- 14 mars Projection du film » Le corps du délit » à Louvain-la-Neuve Auditoire STUD13
- 12 mars Présentation de la problématique de l’avortement en Europe aujourd’hui – Brunch annuel de R.A.P.P.E.L. Maison des Arts de Schaerbeek
- 10 mars » La place des femmes dans le monde d’aujourd’hui » au Théâtre de la place des Martyrs le samedi DOC010
- 8 mars La Journée des Femmes DOC007
- 28 février Haine Saint Paul –
- 2 février 2012 à la Bibliothèque communale d’Ixelles